Citoyens
Objectif :
positionner les acteurs sur 3 lignes différentes (nos 3 noeuds), pour pouvoir les comparer dans leurs définitions réciproques
0 5
"On dit au peuple qu’il va faire n’importe quoi comme on disait aux suffragettes qu’elles allaient faire n’importe quoi"
Doctorant en sciences politiques à Lausanne et Paris 8.
Il est spécialiste des questions de représentation, et chargé de mission au sein du think tank Décider Ensemble. Ses travaux portent sur la démocratie délibérative, les nouvelles formes de la représentation politique et les usages contemporains du tirage au sort.
Dimitri Courant considère le RIC comme une procédure de démocratie directe qui permet au corps électoral de se prononcer directement sur une question en choisissant la question sur laquelle il veut se prononcer. Ce processus leur permet donc de se soustraire à l’agenda des gouvernants, en accordant aux citoyens plus de droits. Il considère cette revendication comme totalement légitime et souhaitable, et ne voit aucune raison sérieuse qui empêcherait son application en france, si ce n’est la méfiance profonde ressentie par les “élites françaises” envers son peuple. Il estime que, comme a chaque fois qu’une minorité se mobilise pour demander des droits populaires, la partie d’en face qui bénéficie du système s’empresse de crier au chaos et à l’incompétence des citoyens, à tort selon lui.
"On dit au peuple qu’il va faire n’importe quoi comme on disait aux suffragettes qu’elles allaient faire n’importe quoi".
Confiance dans la capacité du citoyen
Dans les critiques contre le RIC, Dimitri Couraut retrouve les reproches qu’il y avait déjà à l’encontre du suffrage universel, puis contre le droit de vote des femmes... A chaque fois qu’une minorité se mobilise pour revendiquer des droits populaires, la partie d’en face, qui bénéficie du système, s’empresse de crier au chaos et à l’incompétence des citoyens.
Dimitri Couraut n’est pas d’accord avec cette vision des choses. Selon lui, le RIC donnerait plus de poid à la parole et au vote du citoyen, qui aurait dès lors intérêt à s’informer puisque sa décision compte. Alors que si on prend les décisions à la place des citoyens, comme c'est le cas aujourd’hui, sa position ne compte pas dans la décision et il sera donc moins amené à s’informer. Il considère donc le RIC comme un outil permettant d’augmenter le niveau de compétence et de connaissance des citoyens, qui seront amenés à s’informer sur les question posées.
Le RIC ne mènera pas au chaos, au contraire
Beaucoup d’arguments, notamment en provenance d’Hommes politiques, opposent au RIC le risque de revenir sur certains droits fondamentaux, comme rétablir la peine de mort ou abolir le mariage pour tous notamment. Or selon Dimitri Couraut, c’est un argument fallacieux, puisque les exemples étrangers montrent justement l’inverse. Il rappelle en effet que la Suisse a abolit la peine de mort 43 ans avant la france par référendum; le mariage pour tous a été légalisé par référendum en 2015 en Irlande, qui a aussi légalisé l’avortement. Le pays y était pourtant majoritairement défavorable mais les débats suscité par une assemblée délibérative tirée au sort a permis de changer les opinions. Finalement, une très large majorité (66%) a voter pour la légalisation de l’avortement.
Pour Dimitri Courant, les pires décisions qui ont été prises (comme le recours à la bombe nucléaire par exemple) ont été décidées par les élites et non par le peuple. Donc le risque évoqué selon lequel que le RIC mènerait à l’instabilité et au chaos ne lui parait pas crédible.
RIP : signe d’une méfiance des élites envers le peuple
Il se montre très critique envers le RIP, référendum d'initiative partagé, instauré en 2008 par Sarkozy, comme une sorte de réponse au besoin de participation des citoyens. En réalité, pour Dimitri Couraut, cette procédure est la preuve que l’élite politique française n’a aucune confiance envers le peuple. L'initiative n’est pas partagée car ce sont uniquement les parlementaires qui peuvent déclencher la procédure et les modalités sont trop complexes pour que cet outil soit réellement utilisé.
Cette méfiance des élites envers les citoyens se traduit à de nombreuses reprises selon lui. L’exemple le plus récent étant le référendum de 2005, lorsque le congrès a décidé d’annuler la décision du peuple. Pour dimitri Couraut “c’est quelque chose de très révélateur sur l’état d’esprit des élites comme ne devant pas être à l’écoute du peuple mais plutôt guider le peuple contre son gré”.
La représentation n’est pas nécessairement représentative
Dimitri Couraut observe une forme assez globale de la crise de la représentativité qui s’exprime “par le taux d’abstention, la baisse du taux d’encartement dans les partis ainsi que les sondages qui révèlent une défiance envers les politiques ». Face à cette crise, le RIC apparaît, selon lui, comme le moyen de concilier les intérêts des représentés avec l’action des représentants. En effet, le RIC ne permet pas simplement aux électeurs de voter, il a aussi un pouvoir de dissuasion en faisant planer la possibilité de lancer une initiative pour modifier ou créer la loi.
Pour l’instant, Dimitri Courant critique la situation actuelle dans laquelle les élus disposent d’un monopole en matière législative alors que les citoyens expriment de plus en plus clairement une insatisfaction vis à vis de leurs élus. L’instabilité politique craint par certains avec la mise en place du RIC existe déjà en réalité. La raison pour laquelle les représentants ne veulent pas du RIC, d’après Dimitri Couraut, est qu’ils sont en position social dominante et ne veulent pas qu’on remette en cause leurs privilèges.
Il est dangereux de ne rien changer dans cette situation de crise démocratique.
Critique de la démocratie participative
Dimitri Courant est complètement favorable à une assemblée délibérative de citoyens tirés au sort,, telle que proposé par Terra Nova et tel qu’elle existe déjà en Irlande ou en Oregon. Cependant, cette assemblée délibérative n’a de sens que si elle est couplée d’un pouvoir de décision des citoyens. Il ne s’agit pas de débattre pour débattre. La décision prise par les électeurs doit avoir une valeur décisionnelle et affecter le droit existant. Dimitri Courant pointe du doigt l'un des problèmes des dirigeants des démocraties occidentales, qui acceptent de faire débattre les citoyens mais “dans un cadre précis et avec des questions préparées”. De la même manière, il cite le grand débat mis en place par Emmanuel Macron pour critiquer le fait que “on veut bien consulter, mais on garde le pouvoir de décision in fine.” Pour lui, c’est un moyen de disqualifier les manifestants, de faire disparaître le conflit, en faisant du débat le seul moyen légitime d’expression, avec les élections.
Critique de la démocratie représentative
Dimitri Courant met en garde sur les avantages supposés de la “démocratie représentative” qui “ne garantit ni la souveraineté du peuple ni la représentation de toutes les catégories socio-économiques”. Il revient d’ailleurs aux pères fondateurs de nos républiques démocratiques, expliquant qu’ils n’ont jamais eu l’intention de donner le pouvoir au peuple. Au contraire, l’objectif était de laisser une partie de la population éduquée exercer le pouvoir.
Dimitri Couraut explique que “la force de la démocratie est que tout peut toujours être remis en cause”. Cette idée, développée par Castoriadis, part du principe que le régime démocratique peut toujours remettre en cause ses propres normes. C’est ce qui peut faire craindre un retour en arrière par certains réfractaires au RIC. En réalité, Dimitri Couraut explique que le mouvement des gilets jaunes ne revendique pas un rejet des droits fondamentaux mais une justice sociale et la fin des privilèges. Or, c’est cette remise en question des privilèges de l’élite qui dérangerait le plus les élus.
Dimitri Couraut est favorable au référendum révocatoire, sur le modèle des USA et d’un certains nombre d’autres états où ce système est mis en place.
Il est aussi favorable au référendum législatif expliquant que la possibilité de modifier la loi ou en susciter une nouvelle crée une culture de la consultation, comme c’est le cas en Suisse.