Citoyens
Objectif :
positionner les acteurs sur 3 lignes différentes (nos 3 noeuds), pour pouvoir les comparer dans leurs définitions réciproques
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"Il n’est pas possible de refuser a priori aux citoyens tout droit à se mêler de leurs propres affaires. En outre, [la consultation] peut servir de rempart contre les extrêmes. Naïveté ? Peut-être. Mais, à prendre systématiquement le contrepied des attentes des citoyens, ne risque-t-on pas de provoquer finalement la victoire électorale des partis extrémistes ?”
Docteur en Droit, spécialiste de Droit Constitutionnel et de théorie du Droit.
Jean-Marie Denquin est docteur en droit, spécialiste de droit constitutionnel et de théorie du droit. Il est professeur de droit public à l’université Paris X-Nanterre, et a été maître de conférences à l’université Paris II. Il est l’auteur de plusieurs livres, dont un manuel de Sciences Politiques, et un livre intitulé “La notion d'élection en droit constitutionnel”.
Jean-Marie Denquin analyse la démocratie à travers la relation entre citoyens et représentants. Il explique qu’il n’est plus possible d’avoir aujourd’hui une démocratie totalement directe, et que les représentants sont donc nécessaires. Il voit cependant d’un oeil positif le RIC, qui pourrait selon lui permettre de dégager l’opinion de la majorité pour prendre des décisions collectives, ainsi que pour donner une voix aux aspirations légitimes du peuple, et ainsi lutter contre les extrêmes.
Le citoyen est selon lui obligé de s’exprimer au moins en partie par la voie des représentants, car il n’est plus possible de revenir à une démocratie totalement directe, comme l’était celle d’Athènes. Mais un recours raisonnable à des consultations populaires permettrait d’exprimer directement le sentiment majoritaire, des citoyens. “Un débat public, où les diverses sensibilités s’expriment, n’est pas forcément plus néfaste que des rumeurs largement et anonymement diffusées contre lesquelles il n’apparaît, du moins pour l’instant, guère possible de lutter”. Le citoyen s’exprime donc nécessairement par l'intermédiaire de représentants, mais des consultations populaires pourraient permettre de mieux porter sa voix sur certains sujets.
Pour analyser le phénomène de représentation dans la démocratie, Jean-Marie Denquin remonte à l’antiquité grecque. Il explique que Platon inaugure une tradition qui affirme la supériorité de valeurs dont la connaissance est réservée à une oligarchie de riches, de sages, d’experts ou de juges. C’est la représentation. Les représentants seraient éclairés, donc modérés, cohérents et compétents, et leurs décisions ne seraient pas prises dans l’émotion de l’instant.
Jean-Marie Denquin évoque cependant aujourd’hui une crise de la représentation. Car selon cette première définition des dirigeants, ils n’ont pas pour objet de traduire les aspirations du Peuple mais de prendre des décisions à sa place. Représenter signifie donc décider à la place et au nom d’autrui. Or, l’opinion dominante aujourd’hui veut que les représentants représentent les représentés. Représenter signifie maintenant exprimer le point de vue des électeurs, défendre leurs intérêts comme porte-parole. Ces deux visions de la représentation entrent en conflit.
Jean-Marie Denquin semble par ailleurs peu favorable au fait que des décisions soient prises par une minorité de dirigeants. il écrit :
“Les pires violences ont toujours été le fait de minorités. Ceux qui les ont déchaînées se sont d’ailleurs très souvent définis comme des représentants : Ils n’étaient certes que les représentants autoproclamés mais le fait illustre néanmoins l’idée qu’agir au nom d’autrui n’est pas toujours une garantie de modération. Aucun génocide n’a jamais été décidé par référendum”.
Selon Jean-Marie Denquin, il n’est plus possible d’avoir aujourd’hui une démocratie directe “au sens athénien du terme”. La démocratie envisageable aujourd’hui ne pourrait être que semi-directe. Comme l’ensemble des citoyens-électeurs ne peuvent décider de tout, le recours à la représentation reste inévitable.
L’exigence contemporaine de représenter les citoyens se heurte selon lui à une “impossibilité manifeste”. Il existe en effet une “irréductible discontinuité” entre les aspirations subjectives des individus et la volonté nécessairement unifiée que postule la décision collective. La démocratie se situe donc selon lui en équilibre entre ces deux types de volontés, et elle nécessite le fait qu’une volonté unifiée s’exprime pour la prise de décision collective. En permettant de dégager l’avis de la majorité, le RIC pourrait être une solution partielle que puisse se faire cette prise de décision collective, démocratique.
Ce principe de consultation présente selon lui plusieurs avantages. Elle apporte une réponse à une question et peut clore une controverse. Cependant il pointe le fait que la consultation ne clôt une controverse que temporairement : l’opinion peut évoluer et donner plus tard une autre réponse à la même question. De plus, il ajoute qu’il n’est “pas possible de refuser à priori aux citoyens tout droit à se mêler de leurs propres affaires”. Cette consultation citoyenne pourrait même selon lui servir de rempart contre les extrêmes :
“à prendre systématiquement le contrepied des attentes des citoyens, ne risque-t-on pas de provoquer finalement la victoire électorale des partis extrémistes ?”
“Certains sujets peuvent être exclus du RIC, pour des raisons logiques de cohérence ou parce qu’ils risqueraient de porter atteinte à des principes ou à des individus que l’on entend sauvegarder. Les expériences étrangères offrent d’ailleurs toute une gamme de procédures dont il serait possible de s’inspirer : exiger, par exemple, un certain pourcentage de votants pour que le résultat soit pris en compte. Mais il faut éviter de vider la procédure de toute substance, car cela ne ferait qu’ajouter l’hypocrisie à l’immobilisme.”.