Citoyens
Objectif :
positionner les acteurs sur 3 lignes différentes (nos 3 noeuds), pour pouvoir les comparer dans leurs définitions réciproques
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"Dans un moment où les choses sont bloquées et le système ne fonctionne plus. Le référendum d’initiative citoyenne peut être une solution."
Professeur de sciences politiques, Université Paris 8.
Yves Sintomer est spécialiste des théories de la démocratie et a publié de nombreux ouvrages concernant la démocratie participative et la démocratie délibérative à l'échelle locale, ainsi que sur la représentation politique.
Il constate un essoufflement de la Vème République, et estime nécessaire de transformer nos institutions politiques en profondeur, en donnant plus de place au citoyen. Il est donc favorable au RIC, à condition de l’encadrer de garde fous pour éviter les dérives démagogiques. Il pense notamment à une assemblée délibérative de citoyens tirés au sort pour s’assurer d’un consensus majoritaire de la population.
Confiance dans la capacité du citoyen
Yves Sintomer croit en la capacité des citoyens à réfléchir sur les enjeux politiques. Il est favorable à la mise en place d’une assemblée délibérative qui permettraient de minimiser les inégalités sociales des participants face aux délibérations. Au travers le RIC, Yves Sintomer considère donc que le mouvement des Gilets Jaunes invite à rechercher des moyens de concilier “la participation directe des citoyens aux décisions et la qualité de la délibération”, qui sont selon lui, deux exigences démocratiques majeures.
"On en a un exemple concret dans l’Etat de l’Oregon, aux Etats-Unis, qui connaît l’initiative citoyenne, depuis un siècle, et qui a aujourd’hui décidé d’organiser un jury citoyen, tiré au sort.
Il refuse de la crainte souvent exprimée à propos du RIC, qui pointe du doigt le risque de suppression des droits fondamentaux. Il considère que ce sont “des mythes, des fantasmes”. Pour argumenter sa position il prend l’exemple d'initiatives citoyennes réussies comme l'Irlande qui vient de voter la légalisation de l’avortement par référendum.
Héritage plébiscitaire du référendum
Yves Sintomer rappelle que, “jusqu’à aujourd’hui en France, le référendum avait une vocation plébiscitaire”. A ce propos, il considère que l’initiative citoyenne évite les dérives plébiscitaires du référendum et permet que “les citoyens votent bien sur les questions posées et non pour ou contre celui qui les pose”. Il insiste néanmoins sur l’importance d'encadrer le RIC par des garde fous afin d’éviter des dérives démagogiques. Il dénonce d’ailleurs le soutien de personnalités telles que Marine Le Pen et Nicolas Dupont-Aignan pour cet outil, qui en fait un dispositif “apte à légitimer des politiques autoritaires et xénophobes”.
“Je crois qu’il faut concevoir aujourd’hui la politique comme autre chose qu’un jeu à somme nulle où si on donne du pouvoir aux uns les autres en perde”
Le politiste constate un sentiment de manque de représentation qui amène les citoyens, au travers le mouvement des Gilets Jaunes à rechercher des alternatives démocratiques radicales. L’émergence du RIC dans leurs revendications illustre une maturation politique du mouvement selon lui. Il montre la prise de conscience de la “nécessité d’un contrôle populaire direct sur les décisions politiques majeures”. Yves Sintomer, voit dans le RIC, sous certaines conditions, un outil “fort précieux pour une politique de redistribution des pouvoirs et des richesses” (ce qui est la première revendication des Gilets Jaunes). Il considère que ce dispositif permet de renouer un dialogue avec le Parlement, qui pourrait proposer un contre projet, et soumettre le vote aux citoyens. Il admet que ce processus entraînerait des prises de décisions plus lentes, mais cela permet, selon lui, de “faire les choses mieux”.
"La Vème République semble à bout de souffle. Le terme a été utilisé tant de fois qu’il est un peu galvaudé mais on voit bien comment il y a un épuisement de plus en plus marqué des structures qui l’avaient porté."
Selon lui, il faut une transformation profonde de nos institutions car la démocratie représentative actuelle arrive à son terme. Il estime qu’il est nécessaire de redonner à la société les moyens d'irriguer la prise de décisions, “à l’heure où les partis ne sont plus des canaux de communication efficace entre les citoyens et les gouvernants”. Il observe dans le mouvement des Gilets Jaunes un refus de déléguer le pouvoir de décision à des représentants élus et le souhait d’un retour à une démocratie directe. S’il se montre plutôt favorable à cette idée, il évoque néanmoins la nécessité de mettre en place des garde fous pour encadrer le RIC.
"Il est irresponsable de proposer un « RIC en toutes matières » sans autre garde-fou que le nombre de signataires."
Il met en garde contre des dérives possibles du RIC, qui pourrait être détourné “au service de pulsions xénophobes ou d'un plébiscite pour un "homme fort"”. Ce qui représenterait un réel danger pour la démocratie et d’autant plus difficile à éviter qu’elle bénéficierait de la “légitimité populaire”. Pour cette raison, il s’inspire du modèle de démocratie athénienne qui avait conscience de la nécessité d'autolimiter la souveraineté du peuple.
Pour que le référendum d’initiative citoyenne soit à la fois démocratique et efficace il faut, bien sur, des garde fous
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Contrôle de constitutionnalité avant qu’une initiative soit soumise à votation (à condition que la constitution puisse aussi être “modifiée par la voie du RIC en cas de blocage”)
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Limiter financement des campagnes de récolte de signatures (pour éviter lobbys comme c’est le cas aux Etats Unis)
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Seuil de signature : 800 000 électeurs
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Assemblées délibératives de citoyens tirés au sort, sur le modèle de l’Oregon
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Laisser possibilité au parlement de choisir tout ou une partie, de proposer une contre-proposition (tout en laissant dernière main aux citoyens)
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Favorable à une mise en place du RIC à toutes les échelles (locales, régionales, nationales)