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Pierre-Etienne Vandamme

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"Ça me paraît important que le système représentatif soit ouvert à des propositions des citoyens, à une sorte d’in-put supplémentaire aux simples mandats électoraux."

Enseignant chercheur à l'Université Libre de Bruxelles. 

 

Après des études de Lettres, Pierre- Etienne Vandamme s’oriente vers la philosophie, et obtient un doctorat dans cette discipline. Il est maintenant enseignant chercheur à l’Université Libre de Bruxelles. Ses recherches portent sur les théories de la démocratie et les innovations démocratiques, ainsi que l'éducation à la citoyenneté.

Pierre-Etienne Vandamme se montre assez favorable au RIC, qui permet d’éviter l’un des écueils du référendum traditionnel : la difficile lisibilité du résultat, liée au fait que les citoyens votent aussi pour ou contre le pouvoir en place. Pour améliorer encore cette lisibilité, il propose la mise en place du vote justifié. Il rappelle aussi que le RIC permettrait de remettre au centre de l’agenda politique des sujets négligés par les représentants élus. Il permet enfin de renforcer le pouvoir d’initiative des associations, et donc de contourner le monopole des partis politiques.

Définition du Citoyen
Définition du Citoyen

Pierre-Etienne Vandamme distingue les différents modes d’expression offerts au citoyen : 

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  • L’élection, modèle le plus commun, mais qui possède des défauts.

  • Le tirage au sort, qui connaît récemment un regain de popularité en raison des défauts du vote et du référendum, et car il offre une égale probabilité de participer. Mais il ne donne pas à tous la possibilité de participer, contrairement au référendum et aux élections. 

  • Le référendum, et ainsi le RIC. 

 

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Vandamme évoque la nécessité d’améliorer le niveau de connaissance politique des citoyens : “On ne peut pas devenir des experts sur tous les sujets et donc quand on ne sait pas trop quoi penser on se fie à l’avis d’associations, de partis ou des personnalités. [...] Mais c’est pour cela qu’il faudrait peut-être penser à des manières d’augmenter le degré d’éducation politique ou citoyenne des citoyens. Pour qu’ils aient moins besoin de ses raccourcis et qu’ils puissent juger de manière plus autonome”. Cela lui semble d’autant plus nécessaire si l’on décide d’avoir plus de participation. Selon lui, le RIC permettrait d’améliorer ce niveau d’éducation politique du citoyen : “on peut facilement concevoir que des citoyens qui sont plus souvent appelés à s’exprimer ou qui ont plus les moyens d’expression, sont plus incités à s'informer et à s’intéresser à la politique”.

Definition du Représentant
Définition du Représentant

Selon Pierre-Etienne Vandamme, aucun mode d’expression n’est parfait, et l'élection est défectueuse, tout comme peut l’être le référendum ou le tirage au sort. Il note l’existence d’une distance entre les citoyens et les représentants. Les programmes des partis ne suffisent pas à satisfaire les demandes des citoyens. Les citoyens ne se retrouvent pas forcément dans l’offre électorale. Ils peuvent soutenir un parti mais aussi avoir d'autres demandes. Il évoque une “sorte d’écart représentatif” entre ce que font les représentants et ce que votent les citoyens. C’est pour cette raison qu’il lui semble important que le système représentatif soit ouvert  à des propositions des citoyens, et le référendum est donc selon lui nécessaire, pour combler cette distance.  

 

Le RIC serait selon lui une “révolution en tout cas au niveau conceptuel, au niveau de la manière dont on conçoit le système politique”, et dans la “conception de la représentation”. Il décrit le modèle actuel comme étant basé sur “un monopole de la représentation, et de la décision”. Introduire le RIC serait vraiment remettre en cause un modèle bien établi. Mais il ajoute : “De là à dire que ça aurait des effets révolutionnaires sur la manière dont la société est organisée, franchement on en sait rien, il pourrait tout à fait y avoir aussi des mesures complètement réactionnaires qui passent”.

 

De plus le RIC donnerait selon lui une incitation aux représentants à tenir compte des demandes des citoyens, car il y aurait un risque en terme de popularité à se montrer hostile à leurs propositions. “Ils ont donc une réelle incitation à s’en emparer, à essayer d’éviter qu’on passe par un référendum”. Selon lui les représentants pourraient tirer crédit du fait de s’emparer d’une proposition citoyenne et d’arriver à faire passer le projet de loi. Ainsi, le RIC inciterait les représentants à plus s'intéresser à ce que veut la majorité des citoyens. 

Définition de la Démocratie
Définition de la Démocratie

Même s’il admet les avantages généraux de la démocratie représentative sur la démocratie directe pure, Vandamme reconnaît certains avantages au référendum. Il permet d’assouvir une « soif de participation à la décision », de  compenser une potentielle distance entre les citoyens et les représentants. Le RIC est selon lui “un exemple assez parfait de démocratie directe puisqu’il y a très peu de médiation”. Même s’il ne part personnellement pas du principe que la démocratie directe est “d’office souhaitable”, il explique que s’il découlait d’une initiative populaire le référendum permettrait de  “mettre à l’agenda politique des questions qui seraient négligées par les représentants”. Les RIC permettraient de renforcer le pouvoir d’initiative des associations, et de contourner le monopole des partis sur l’agenda de la vie politique. Enfin, les référendums permettent de restaurer un lien, une confiance, des citoyens envers les institutions politiques.  

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L’outil référendaire possède aussi de nombreux défauts pouvant impacter la démocratie. Vandamme évoque le manque de lisibilité des résultats référendaires, un choix binaire rendant difficilement compte de la complexité l’opinion publique, et le référendum étant souvent utilisé comme outil plébiscitaire. Cette dernière difficulté existe seulement lorsque les gouvernements sont à l’origine du référendum, et Vandamme met ainsi en valeur l’utilité de l’initiative citoyenne pour lutter contre ce problème.Le deuxième défaut reproché aux référendums est leur possible vulnérabilité face à des manipulations mises en place par des groupes d’intérêt. 

Etienne Vandamme note aussi qu’il est souvent reproché aux référendums de générer des décisions difficilement réversibles. Il semble en effet plus facile de revenir sur une décision lors d’un changement de majorité parlementaire, que de revenir sur une décision prise par le peuple de manière directe. Or ce phénomène semble rendre difficile la correction d’éventuelles erreurs et ce défaut lui semble difficile à corriger même s’il n’invalide pas non plus le RIC selon lui. Vandamme note aussi qu’il peut être reproché au référendum d’être moins délibératif que les procédures traditionnelles de décision, à cause de la difficulté d’organiser un débat de qualité suivi par tous les votants. Enfin, le fait que le référendum acte la décision  de la majorité pourrait comporter un risque pour les minorités. 

 

E.Vandamme évoque plusieurs solutions pour lutter contre ces défauts. Parmi elles, le vote public (non secret) est intéressant car il permettrait de mettre l’accent sur l’intérêt commun, et forcerait les personnes à pouvoir justifier leur choix par des raisons acceptables par tous. Mais cette solution reste mauvaise car on pourrait craindre l’intimidation des votants, le vote secret permettant d’exprimer son avis sans crainte de représailles. Selon vandamme le vote justifié permet alors de cumuler les avantages du vote public et du vote privé : d’une part la protection des votants face aux représailles possibles et à la corruption et d’autre part le devoir du votant à justifier son vote et la stimulation du débat public. Hélène Landemore, une théoricienne politique française voit par exemple dans le grand débat la confirmation que l’on peut faire de la délibération à grande échelle, et que l’on est pas obligés de se contenter d’un mini public. 

 

Par ailleurs, Vandamme rappelle que la la démocratie représentative comporte aussi des risques, et qu’elle n’est pas non plus immunisée contre les instrumentalisations par des acteurs privés (lobbying, influence des groupes privés).

 

Ce qu’il faudrait selon lui, c’est:

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“voir quelles sont les manières de limiter l’influence de l’argent sur toutes ces procédures référendaires. Il y a sans doute un certain nombre de régulations pour limiter les financements de campagne que peuvent faire les acteurs privés. Il y a sans doute un moyen de réduire ces risques de manipulation”. 

Modalités
Modalités

Pierre-Etienne Vandamme explore les possibilités offertes par le vote justifié, qu’il définit selon ces modalités : les électeurs utiliseraient  “un bulletin sur lequel sont proposées plusieurs justifications publiques possibles pour le choix qui est à effectuer. [...] Suite au vote, le secret est préservé, mais les statistiques des justifications sélectionnées sont dévoilées au public en même temps que les résultats”. 

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Le vote justifié permettrait de stimuler le débat public et le processus délibératif, en incitant les votants à prendre en compte l’intérêt général, et en ramenant le débat à des positions acceptables aux yeux de cet intérêt, le votant ne pouvant justifier son choix par des intérêts purements particuliers. Cela pourrait permettre de corriger l’un des reproches souvent fait au RIC, qui rendrait selon certains la réflexion publique difficile, la formulation d’une simple question ne pouvant qu’amoindrir le débat public. Avec le vote justifié, le débat pourrait continuer après le vote, en analyse des justifications ce qui stimulerait aussi le processus délibératif. Le fait que la justification puisse aussi être utilisée ensuite dans le débat public, et par les personnes aux pouvoirs pour agir inciteraient de plus les votants à prendre ce système au sérieux. 

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Les générations suivantes pourraient grâce à ce système comprendre la décision, et - dans des circonstances nouvelles -, la questionner, de manière plus éclairée. Une réversibilité de la décision serait plus facile qu’avec un référendum classique. Le vote justifié permettrait aussi de réduire le caractère opaque et clivant d’une simple question binaire. Enfin, il permettrait l’organisation d’un vrai débat en amont du référendum, lors du travail de formulation des questions.

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Ce système n’irait cependant pas sans difficultés. La première serait de rédiger des listes de justifications équilibrées, assez précises pour ne pas être dénuées d'intérêt et assez générales pour saisir l’opinion d’un maximum de personnes. Pour la rédaction des listes de justification, il évoque deux possibilités : soit la la réquisition d’un un mini-public tiré au sort, sur le modèle de l’Oregon, soit un système incluant les représentants. La formule avec un mini public est selon lui la plus intéressante. Ce “mini-public” pourrait être désigné pour rédiger les questions (grâce à l’audition d’experts par exemple) pour éviter qu’un groupe ou qu’un corps politique particulier ne serve ses intérêts. Il faudrait selon lui une institution non partisane ou qui rassemble des représentants de tous les partis, pour la supervision générale. “L’idée de faire préparer le référendum par un mini public, une assemblée de citoyens tirés au sort, qui creusent la question et soumettent un rapport aux électeurs, je trouve ça pertinent”. Selon lui, ce modèle fonctionne assez bien là ou il a été expérimenté : en Oregon, en Finlande, dans la canton de Sion en Suisse. 

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Par ailleurs, Pierre-Etienne Vandamme n’est pas en faveur de l’instauration d’un seuil de participation minimale pour que le résultat d’un RIC soit pris en compte, car cela empêcherait les minorités de ”s’exprimer et mettre à l’agenda différentes propositions et obtenir le soutien d’une pluralité des citoyens”. De plus un tel seuil aurait pour effet la volonté de certains acteurs de taire le débat pour que le moins de gens possible aillent voter, ce qui abimerait le débat public. Enfin ce genre de modalité entraînerait selon lui des résultat illisibles : les votants se seraient-ils abstenus pour raisons stratégiques, ou car le sujet ne les intéressait pas ? 

Il ne se dit pas hostile au vote obligatoire, (tant qu’on a la possibilité de voter blanc, parce qu’il ne pense pas que l’on a l’obligation morale de s’exprimer sur tous les sujets). Cela pourrait être une invitation à faire l’effort de venir au bureau de vote. Si on instaurait un RIC et qu’il y avait des votations plus fréquentes, il n’est cependant pas sûr que le vote obligatoire serait une bonne idée, car cela pourrait devenir assez lourd pour les citoyens. Cependant, le vote obligatoire pourrait aussi permettre de faire voter les citoyens qui votent moins d’habitude : “c’est souvent les mêmes catégories sociales qui s’auto-excluent :des gens qui ont pas suffisamment confiance,dans leur jugement, qui sont un peu déconnectés de la politique…” Vandamme conclut : “il y a les deux. il faut mettre les deux dans la balance au moment de se prononcer”. 

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Enfin, Pierre-Etienne Vandamme évoque les réflexions autour de plusieurs modes de votes originaux.  Il évoque une sélection qui aurait pour but d’évaluer un candidat et non de le sélectionner directement : “on évalue sur 6 par exemple chaque candidat, en disant soit excellent, bon, passable, très mauvais, à exclure… De telle sorte que l’on peut percevoir l’intensité de la préférence et du rejet de certains candidats par les citoyens [...] ça me parait vraiment une très bonne formule. [...] je comprends même pas que l’on n’utilise toujours pas ça dans les élections”.  Il serait aussi intéressant selon lui de penser des formes pour avoir une mesure de l’intensité des préférences des gens dans le référendum. On pourrait imaginer que sur le bulletin, on l’on pourrait notifier dire “pour”, “tout à fait pour”, “indifférent”, “tout à fait contre” et que ça soit pris en compte dans le résultat final.

 

Il évoque aussi l’idée des “référendums réitératifs”, qui nécessitent un  certain nombre de votes espacés dans le temps  sur le même sujet. Les premiers votes sont indicatifs, et seul le dernier est vraiment décisionnaire.

 

“C’est intéressant, parce que ça permet notamment de s’assurer que les gens se familiarisent avec le sujet, qu’ils aient une meilleure information”

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