Citoyens
Objectif :
positionner les acteurs sur 3 lignes différentes (nos 3 noeuds), pour pouvoir les comparer dans leurs définitions réciproques
"Jamais la foule ne saurait gouverner avec intelligence, ni un navire, ni une cité"
Platon
"Un large groupe de citoyens prend de meilleures décisions qu'un petit groupe d'élus individuellement plus compétents"
Aristote
“On aurait tort de réduire le RIC à une procédure de démocratie directe : rien n’interdit d’imaginer qu’il puisse s’accompagner, [...], d’une phase participative et réflexive en donnant lieu à une délibération organisée"
“De même que la CIR, la plupart des mini-publics permettent de relier la délibération produite par un groupe restreint à un macro-processus décisionnel, le débat public étant alimenté par les résultats de ces processus délibératifs"
Katherine Knobloch
Une masse de citoyens formant un peuple uni ?
Peut-on faire confiance au citoyen ?
Ouverture du domaine référendaire selon la capacité politique du citoyen ?
Vertus éducatives du RIC ?
Des risques ?
Danger pour les minorités ?
Risques antidémocratiques ?
Quelle place pour la délibération citoyenne ?
L’instance délibérative comme solution aux “risques” énoncés
La position de Terra Nova sur le statut du citoyen est nuancée. Si les auteurs du rapport clament la pertinence de l’instauration d’un RIC, ils tempèrent néanmoins leur propos en émettant une série d’objections pour répondre à ce qu’ils considèrent être des “risques” notamment liés à la potentielle prise de pouvoir du citoyen dans le débat public. Le citoyen vu par Terra Nova doit pouvoir donner son avis sur des questions à l’initiative de ses pairs, sans toutefois outrepasser certaines barrières. Un RIC sans régulation pourrait affaiblir les autorités démocratiquement élues et multiplier les consultations citoyennes qui deviendraient incontrôlables. De manière générale, pour Terra Nova, le manque de délibération avant le vote pourrait conduire à toutes sortes de manoeuvres démagogiques qui nuiraient à la qualité du débat, ainsi qu’aux décisions qui en découlerait. Ces “risques” montrent un degré de confiance envers les citoyens plus faible que certains acteurs comme Yvan Bachaud ou Raul Magni Berton. Les arguments de Terra Nova mènent à une proposition, le RIC délibératif. Un RIC dans lequel une assemblée de citoyens serait tirée au sort, éventuellement accompagnée de quelques parlementaires, pour se former au sujet et en appréhender les diverses complexités. Un texte serait finalement rédigé, regroupant les différents enjeux liés à la question. Un grand nombre d’acteurs français de la controverse s’accordent à dire que c’est un bon dispositif.
Néanmoins, Terra Nova ne fait pas consensus dans toutes les modalités qu’il propose. Par exemple, l’une d’elle fait particulièrement réagir Yvan Bachaud et l’association Article 3 : le quorum* de 50% de participation. Pour M. Bachaud, ce quorum serait trop difficile à atteindre car un citoyen souhaitant voter “Non” n’aurait aucun intérêt à se déplacer pour voter, faisant chuter la participation. Le RIC proposé par Terra Nova n’arriverait donc que très rarement à ses fins, affaiblissant considérablement l’initiative citoyenne. Yann-Arzel Durelle-Marc met également en garde sur les modalités de tirage au sort d’une telle assemblée. Un tirage au sort reste un filtre qui ne peut être neutre. Pour lui, une attention toute particulière doit être portée vers la méthode de tirage au sort.
Le CIR (Citizen’s Initiative Review)
Le RIC délibératif notamment proposé par Terra Nova s’inspire du modèle de l’Oregon Citizen’s Initiative Review (CIR), souvent cité comme un exemple concluant à l’étranger, dans l’Etat de l’Oregon aux Etats-Unis. Ce dispositif en vigueur lors des initiatives citoyennes constitue des groupes de 24 citoyens tirés au sort pour discuter pendant 5 jours sur la question posée. Chaque panel fournit un document d’une page alimentant le débat autour de la question.
Pour Katherine Knobloch, auteure principale d’un rapport sur le CIR, ce mini-public permet de relier la délibération produite par un petit groupe à un “macro-processus décisionnel”. Pour les auteurs de ce rapport, le succès de ce dispositif repose notamment sur le fait qu’il ne constitue pas une menace pour le pouvoir décisionnaire et peut répondre aux inquiétudes des législateurs en dépassant les clivages idéologiques, évitant ainsi l’adoption d’une loi mal rédigée. Le dispositif jour un rôle important dans l’éducation politique des citoyens, puis dans l’influence des décisions prises par le gouvernement de l’Etat d’Oregon.
L’assemblée délibérative comme idée paternaliste ?
Si beaucoup d’acteurs de la controverse considèrent ce dispositif comme plutôt pertinent, il existe des objections concernant l’idée en elle même. Raul Magni Berton souligne par exemple le caractère tout à fait consultatif de cette assemblée. Pour lui, le dispositif servirait à “donner une information aux gens qui ne l’ont pas”, en faisant confiance à “des gens tirés au sort plutôt qu’à des partis”. Cette assemblée serait un embellissement du RIC, émanant de l’idée paternaliste selon laquelle il faudrait inciter les citoyens à débattre en les faisant artificiellement participer. Ainsi, elle ne serait pas si nécessaire que cela puisque, pour lui, les citoyens n’auraient pas besoin d’autorité publique pour les faire discuter.
L’idée qui en ressort est que Le RIC tend à moderniser le vieux débat démocratique entre représentation et démocratie directe, ajoutant une troisième voie, la participation. Ce dernier point cristallise les tensions car il développe différentes tendances envers les citoyens : les faire participer à la délibération ou donner le pouvoir de décision. Il y a ici un parallèle intéressant à faire avec le Grand Débat National lancé par Emmanuel Macron, critiqué par certaines fractions des gilets jaunes. L’une des caractéristiques importantes du RIC est son pouvoir de coercition sur les élus. Or, la création d’une assemblée délibérative comme instance gérée par les autorités publiques irait à l’encontre de ce principe de court circuit des institutions.
quorum* : nombre de présence minimal parmi les membres d'une assemblée sans lequel une délibération au sein de celle-ci ne peut être valide. Il s'exprime souvent en pourcentage du nombre total de personnes en droit de participation à la délibération
“C’est un peu paternaliste comme idée cette histoire
de délibération”
Raul Magni Berton